Dans ce cours le son, est convoqué, dans toute l'étendue de son spectre, pour engager un travail de recherche à partir des centres d'intérêts et préoccupation des étudianx. Enregistrements de conversations, lectures de textes (narratifs, poétiques, théoriques) ; ambiances d'atelier, paysages sonores, recueil de données sous forme d'interviews ou à partir de documents d'archives sonores et radiophonique, musiques...
Une approche sensible qui permet de mieux (s')entendre et de saisir des occasions de relier entre elles, les idées et les démarches. Des connexions émergent entre les projets au sein d'une communauté écoutante, attentive aux sons et aux paroles qui donnent aux projets une profondeur plus tangible. Ces moments d'écoute s'inscrivent dans une "éthique du Care" - Carol Gilligan - où l'on prend soin, ensemble, de comprendre ce qui est important pour chacun et chacune.
Ouvrir sa pratique et ses projets à la dimension sonore et radiophonique permet de déployer plus largement son travail plastique, poétique, et de l'envisager sous des angles nouveaux avec l'appui de ses camarades. Ce qui émerge lors de nos séances d'écoute, c'est une compréhension plus fine des enjeux du travail. Une compréhension aiguisée par la pluralité des sensibilités présentes. Ainsi, ce qui aura échappé à l'attention de l'auteur.ice ou de l'un.e de ses camarades trouvera très certainement un écho dans l'esprit des autres.
Il y a ici des questions épistémologiques évidentes, puisque la connaissance que nous avons des enjeux de nos projets se construit dans une trajectoire et des moments (au sens de la théorie de moments d'Henri Lefebvre) particuliers. Des moments qui permettent de réagancer régulièrement les idées, en mouvement dans nos matériaux sonores. Cette démarche prend également appui sur la méthodologie du diarisme dans la recherche en sciences de l'éducation (Lucette Colin).
Au fil des séances des pièces sonores émergent : narratives, documentaires, expérimentales. Ces formes donnent à sentir et à comprendre certains aspects du travail en cours. Ces formes peuvent mêmes constituer un moment clé pour saisir la cohérence d'une démarche qui échappe aux cadres institués de la monstration. Ces pièces sonores pourront accompagner le mémoire, documenter le travail plastique en affirmant son inscription culturelle et sa contemporanéité. La question de l'(auto)archivage comme étape d'un processus de création ou même comme œuvre (Gregory Chatonsky - Julie Morel) devient alors un enjeu central. Mais ces pièces pourront aussi devenir des propositions autonomes à même de ponctuer un parcours d'exposition.
À ce stade nous nous situons dans une phase d'écriture sonore. Chaque pièce a un début, un développement et une fin. Elle est contextualisée (avec un générique) et référencée (au moyen de mots clés) pour pouvoir être partagée plus largement, avec l'ensemble des étudianx et du corps enseignant, mais aussi avec de futur.es candidat.es et encore plus largement à toute personne curieuse de trouver des réponses à une question traitée lors du séminaire.
Mais la vie de nos formes ne s'arrête pas là. Chacun.e est invitée à mettre en résonance son travail audio lors de séances de mixage improvisé. Dans le prolongement de l'improvisation libre et de la musique acousmatique, nous pouvons nous connecter par groupe de 2 à 8 personnes, sur une table de mixage. L'attention très spécifique de l'improvisation, cette capacité à saisir dans l'instant des occasions pour intervenir avec le son ou au contraire s'effacer, est une autre manière de s'écouter et de dialoguer. Que disent nos pièces sonores quand elles se mélangent les unes aux autres ? Quelles ouvertures sémantiques se produisent quand la parole d'un.e camarade s'infiltre dans le discours d'un.e autre ? Cette sensibilité nouvelle ne prend plus seulement en compte l'énonciation de significations, mais également les qualités sonores et musicales d'une voix, la rythmicité d'une scansion. Dans une forme d'attention flottante et d'intense présence nos pièces se déconstruisent et se reconstruisent. Une pensée complexe (Edgar Morin) se déploie, de nouvelles questions se posent, d'autres sont renforcées par la polyphonie du mixage.
Le séminaire RadioThéorie associe recherches et écritures individuelles ; mises en commun et réécritures coopératives. Le corpus de pièces réalisées interroge plus largement le sens et la mise en route d'une démarche artistique, les espaces et les temps de la formation artistique, l'inscription de l'art dans la société et dans les mondes de l'art.